Pour ceux qui trouvent que Tarantino rabâche quelque peu depuis trois ou quatre films, quoi de mieux qu’un petit retour aux sources… Et au-delà de la claque que Reservoir Dogs continue à être, 25 ans après sa sortie, revoir ce film permet de bien comprendre pourquoi cette impression de redite plombe quelques-uns de ses derniers longs: dans ce premier film, tout ce qui fait la richesse et l’originalité du cinéma de Tarantino est déjà là. Mieux : tout est à son sommet, pas sûr que pour aucun des éléments qui constituent son univers il ait fait mieux ou aussi bien depuis.
Le montage d’abord, tellement vanté pour Pulp Fiction. Certes, le découpage avec ses allures aléatoires prend le spectateur à rebrousse poil. Mais celui de Reservoir Dogs, plus conventionnel sur le papier (on garde la continuité dans le « présent », et on y insère toute une série de flash-backs qui éclairent la situation), est au moins aussi virtuose, avec une fluidité absolue, et avec un sens déjà exceptionnel du récit. Chacun de ces flash-backs fait plus que relancer l’intrigue : il modifie la perception que l’on a des personnages.
Ces personnages, justement, qui représentent déjà tout ce qui fera le cinéma de Tarantino pour le quart de siècle à venir. Des braqueurs, violents et verbeux, qui peuvent s’entre-tuer sans ciller après avoir disserté durant de longues minutes sur la signification des paroles de « Like a virgin », la chanson de Madonna. C’est avec cette discussion que les premiers spectateurs sont entrés dans l’univers de Tarantino, avec la quasi-totalité de son casting réuni autour d’une table échangeant des dialogues qui, à eux seuls, dynamitent le traditionnel film de gangster.
Il y a la violence aussi, crue, brutale, sadique et omniprésente. Tarantino filme ses personnages comme s’il les aimait, rendant certains d’entre eux plutôt sympathiques avec leurs valeurs à l’ancienne, leurs failles et leurs forces. Mais ces personnages sont des monstres, qui se réjouissent de n’avoir que des flics, et « pas des vrais gens ». Une réplique glaçante lancée comme un simple commentaire sur la météo. Et les actes suivent les paroles, comme le prouve la séquence la plus traumatisante d’un film pour le moins inconfortable : la torture du policier par le sadique Michael Madsen.
L’histoire, elle, se résume à quelques lignes : un braquage qui foire (dont on ne verra aucune image), les survivants qui se retrouvent dans un entrepôt désaffecté, et les soupçons autour d’un probable mouchard. Rien de plus, si ce n’est la caméra virtuose et décomplexée de Tarantino, et des acteurs au top : Harvey Keitel, Tim Roth, Steve Buscemi, Lawrence Tierney, Chris Penn, Michael Madsen… Des gueules, des voix, des carrures. Une claque j’vous dis.